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Les vacances en France • Le Tour des Dents Blanches, #J1

    Nous sommes donc parti.e.s de Samoëns pour rejoindre la première étape du Tour des Dents Blanches. L’aventure commence comme une petite blague, car ici, personne n’est en mesure de nous indiquer où nous rendre ; on avait pourtant réservé les refuges sur le site de l’Office du Tourisme de Samoëns mais Véronique-Christine-ou-Josiane de l’accueil est incapable de me donner des réponses claires. Bien. On va faire avec ce qu’on a. Seule info à notre disposition, glanée sur le site web : il faut rejoindre Barme, sauf que des Barme, il y en a plusieurs et pas dans les mêmes directions. On tente donc de faire preuve de bon sens en utilisant pour la première fois notre carte IGN et on atterri en fin d’après-midi dans un petit hameau où les vaches ont l’air plus nombreuses que les habitant.e.s – si habitant.e.s il y a. Ici, des panneaux de randonnée et un refuge. On s’arrête boire une tisane au refuge, on déplie la carte IGN qui fait toute la table et on regarde notre itinéraire. On pose la question à la gardienne du refuge sur la direction à emprunter pour attaquer le tour : elle ne sait pas. Bien, bien, bien. La nuit commence à tomber, on décide de planter la tente non loin de là ; ce sera notre première nuit en camping sauvage. On profite des dernières lueurs d’un jour sombre et lourd, pour préparer nos sacs, faire des sandwichs pour le lendemain (spoiler alert : je suis préposée aux sandwichs et on a rarement rien mangé d’aussi mauvais), monter la tente et faire un dernier pipi derrière les arbres. Nous serons bercé.e.s toute la nuit par les lourds cloches des vaches et la petite rivière cheminant à côté de la tente.

    Je ne sais plus à quelle heure on a mis le réveil, mais on est sur le pied de guerre dès le lever. Dernier tour à la voiture, le temps ne s’est pas vraiment éclairci et d’épais nuages nous bloquent toute vue possible. On repère un panneau indiquant une étape intermédiaire de notre chemin, on se met d’accord et on part dans cette direction. Les premiers pas seront hésitants, on ne voit rien à plus de 5 mètres. On est simplement guidés par le bruit des cloches, et parfois notre chemin se voit interrompu par la présence des bovins qui ne semblent pas daigner nous laisser passer. ça grimpe tout doucement, on est fraî.che.s et dispos et on a envie d’avancer. Dès la première heure, on croise un petit [chamois ? bouquetin ?] ce qui nous met forcément en joie. Le ciel ne semble pas vouloir nous faire honneur, tant pis. Au bout de deux petites heures de marche, après avoir suivi un troupeau de moutons et rencontré de premiers compagnons de route, le paysage jusque là composé de sous-bois et de pâturages, se modifie sensiblement. On est désormais dans les roches, elles sont humides et glissantes. Il faut se hisser avec les mains pour grimper, certains passages sont câblés. On arrive dans une petite rigole d’où, pour la première fois, on bénéficie d’une vue dégagée sur un paysage plus large, calme et imposant. On n’a aucune idée de ce qui nous attend.

    Cette deuxième section, celle qui mène à la cabane de Susanfe (à laquelle nous n’iront pas) est plus caillouteuse. On croise deux petites chèvres blanches qui semblent s’amuser de nous voir nous débattre avec les crampes et le souffle coupé. ça monte toujours un peu plus, le paysage est vert (l’herbe) et blanc (les cailloux) et devant nous se dresse une barre grise et plus sombre, avec quelques névés : c’est le glacier du Ruan. On traverse un petit torrent et ici, on commence l’ascension vers le Col des Ottans. On marche à présent à 100% dans la roche, on se tient aux parois fraîches, on fait (je fais) des pauses pour “admirer la vue”, et on continue notre ascension. On voit un petit groupe devant nous, ce qui nous permet de jauger le chemin qu’il nous reste à parcourir. “ah mais quand même, on va pas jusque là ? Si ?” Au loin, on aperçoit, le long de la roche et alignés de façon verticale, des petits points de couleur. De tous petits points, qui bougent très lentement. Il s’agit de randonneur.se.s en train de grimper les échelles pour passer le col. C’est donc la prochaine étape pour nous. On franchit le dernier névé et on se rapproche des fameuses échelles. C’est haut et vertigineux, la montée se fait via une longue cheminée transversale dont la sortie en haut se fait par un passage étroit entre deux rochers. On s’arrête juste en bas, le temps de laisser passer les dernièr.e.s randonneur.se.s en pleine descente. C’est long et fastidieux, aussi on en profite pour faire une pause pique-nique (qu’on regrettera dès la première bouchée). Mes sandwichs sont immangeables, et je me demande bien quelle énergie j’ai pu fournir pour réussir la prouesse de rater des sandwichs. Le dernier randonneur pose le pied à terre et désormais on sait qu’on a pas d’autre choix que d’y aller à notre tour. 

    Oui, le petit point rouge, là-haut.

    On attaque donc une montée périlleuse à l’aide de câbles et d’échelles verticales. On grimpe, barreau après barreau et on se retrouve vite au-dessus du vide, avec le poids de notre sac qui pèse à l’arrière. C’est impressionnant, je suis pétrifiée et j’ai du mal à avancer. Chaque avancée me coûte, et Celim qui est derrière moi m’encourage en faisant preuve d’énormément de bienveillance. J’essaye de ne pas regarder en-dessous, mon coeur manque des battements à chaque levée de main ou de pied. J’ai envie de pleurer, puis je pleure, puis je tente de respirer. Je prends sur moi et m’encourage moi-même : “allez grimpe, grimpe, ne regarde pas en bas, grimpe.” Celim rigole, il est toujours derrière moi et sa présence me rassure. Arrivé.e.s presqu’en haut, il faut se hisser sur une petite passerelle afin d’atteindre les derniers mètres – je crois que mon cerveau freeze à ce moment-là car je n’ai pas de souvenir de la manière dont j’ai atterri sur la passerelle. Encore une échelle et je vois le trou qui annonce la fin du calvaire. Il n’y a plus qu’à passer son corps entier dans cet espace, en remerciant son instinct de ne pas avoir prévu de sac à dos trop large. La dernière impulsion est comme une libération, les deux pieds sur la terre ferme sont la plus belle récompense de ces dernières minutes qui ont paru des heures. On l’a fait, on franchi les Col des Ottans, plus rien ne nous fait peur.

    On fait une pause en haut, on est au-dessus des nuages, regarde l’endroit d’où l’on vient. On est à 2 549 mètres d’altitude et depuis la matinée, on a gravi environ 1 500 mètres de dénivelé. On a fait le plus dur des trois jours. La suite de l’étape est relativement calme. On longe une arête pendant plusieurs mètres et l’on redescend ensuite dans la brume. On ne distingue à nouveau rien à plus de deux mètres : il parait que le paysage est magnifique sur ce tronçon, mais il ne sera pas pour nous cette fois-ci ! On attaque réellement la descente au bout d’une petite heure de marche, les genoux de Celim se rappellent à lui et on arrive sur un promontoire avec vue sur le lac de la Vogealle. Ici, on ne sait pas encore qu’on en fera le tour le lendemain pour atteindre le Col de Bostan. Le refuge de la Vogealle se situe à une petite demi-heure de marche, on est content.e.s d’y parvenir après cette journée si intense. On pose les sacs après 8h de marche, on se pose sur la petite terrasse pour une bière avec les derniers rayons du soleil. La soirée au refuge sera chaleureuse, avec grande tablée et voisines de table et de chambre adorables : un duo de retraitées suisses avec accent improbable, grandes copines de rando et amoureuses de montagne. On mange bien, on profite des 3 minutes de douche chaude chacun.e et on se couche dans les dortoirs en hauteur, matelas les uns contre les autres et les sacs à nos pieds. C’est une première nuit bien méritée.

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