Notre prochain arrêt ne sera rien d’autre que Leirhnjúkur qui restera, pour moi, l’un des sites les plus chargés en émotion. On gare le 4×4 sur un petit parking, le temps n’est pas joyeux puisqu’il commence à cracher gentiment et on commence à suivre un petit chemin fait de planches. Là où l’on est, on voit le cratère Viti au loin. Le chemin sillonne entre quelques solfatares (autrement dit, des fumerolles) et des mares de boue bouillonnante, l’odeur de souffre est forte et on se demande qui a pété (running gag du séjour). Là il commence à vraiment pleuvoir, on se dit qu’on passe peut-être à côté de quelque chose avec le temps mais tant pis, on est là on continue !

Ah oui et sinon, il y a toujours autant de mouches.
On grimpe quelques marches et on arrive devant le paysage le plus incroyable que j’ai été amenée à voir. L’adolescente gothique qui sommeille en moi n’en a pas fermé l’œil pendant quelques semaines, même après notre retour. Un champ de lave noire et fumante, à perte de vue. Un espèce de grand barbecue pour géants, qui auraient déserté les lieux, repus. Il s’agit en fait du lieu où les éruptions du volcan Krafla (qui a beaucoup influé sur la topographie de la région de Mývatn) furent les plus longues et les plus violentes. On marche une petite boucle de 30 minutes dans cette atmosphère de désolation et de mélancolie, sous la pluie qui, finalement, ne fait qu’ajouter une petite note dramatique à la randonnée. C’est sombre et désespéré et pour une fois, ce n’est pas l’œuvre d’un esprit fou mais bien d’une nature indomptable et rebelle. La lave s’est agglomérée par endroits, elle a créé des chemins, des ponts, des cavités. Le basalte est d’un noir charbonneux, tirant vers le gris cendré à certains endroits. Ça fume dans tous les sens, on croirait voir apparaître une divinité macabre à chaque virage. Atmosphère complètement metal, je n’ai plus envie de quitter les lieux. On quitte à regret ce site incroyable, laissant derrière nous les créatures gothiques dans leur habitat naturel. Leirhnjúkur m’accompagnera encore quelques semaines, je me réveillerai à plusieurs reprises au détour d’une ballade dans ses cendres.
Notre prochain arrêt sur la liste est le site géothermique Hverir, qui offre un condensé de ce qui se fait de mieux en termes de géothermie : solfatares et marres de boue en ébullition à ne plus savoir où regarder. Ça fait des bulles, ça fume et ça siffle dans tous les sens, il y a toujours cette odeur de souffre qui semble ne plus nous quitter et on marche de mare en mare pour voir laquelle est la plus impressionnante. Il commence à être tard, on a une grosse journée derrière nous dans les pattes mais quand même … Le Námafjall qui trône au-dessus du site nous donne bien envie de tenter une dernière grimpette tardive. On se tâte, on regarde l’heure, on se dit qu’on ne reviendra pas de sitôt et on attaque la montée pour arriver à un point de vue à 360° sur la région de Mývatn. Le vent nous rabougrit les oreilles, on ramasse des petits cailloux sur le chemin pour notre collection privée et on reste une vingtaine de minutes pour admirer la vue, avec un soleil rasant. Personne autour, on est seuls au monde, perchés sur cette colline qui nous tendait les bras.
On se décide finalement à chercher un endroit où passer la nuit, on atterrira au camping Voglar pour les deux prochaines nuits ; on l’avoue, on l’a choisit pour sa pizzeria mais on se ravisera assez vite en voyant celles qui arrivent sur les tables des voisins. Visiblement, ce n’est pas une spécialité en Islande. On se contentera des bières, tiens.