On se réveille vers 9h30 le lendemain matin, on a décidé de ne plus boire de jus d’orange : je retrouve un aspect « normal » après 2 jours d’éruption cutanée. Il y a un petit écriteau près de l’accueil du camping de Þakgil où nous avons atterri la veille qui détaille les randonnées du coin. On choisit la violette (parce que le violet c’est beau), on décide d’en faire un bout « pour voir », il paraît qu’il y a une jolie cascade au bout, ça nous tente. On ne s’attend pas à faire 3h de marche et une boucle de 12 km ! Mais, waouh.

« Ah oui, c’est plus profond que ce que j’imaginais. »
Cette randonnée est tellement intense, belle et imprévue. Je pense avoir laissé un bout de mon cœur là-bas, sur ce petit tapis de verdure en contrebas du canyon de Remundargil fait de roches et de verdure. On a bataillé pour y accéder, entre le passage d’une « petite » rivière qu’on a mal estimé, nous retrouvant avec de l’eau jusqu’à mi-cuisse, une montée raide d’une bonne vingtaine de minutes avec arrivée sur un plateau dont la vue à 360° nous aurait presque filé le vertige, et la descente abrupte qui s’en est suivi. On a posé le pied en bas, l’herbe était si souple qu’on s’est allongés quelques minutes, avec vue sur les roches ciselées en haut et le bruit de la cascade au fond.

En plein cœur du canyon de Remundargil. Une partie de nous est restée là-bas ce jour-là.
On a poursuivi notre route jusqu’à la cascade, non sans quelques frayeurs : ici le paysage est sauvage, abîmé. On peut voir les éboulements successifs, les pierres s’effritent, on doit les escalader. Je ne suis pas rassurée mais Celim, un peu rebelle, s’aventure jusqu’à la base de la cascade pour quelques chouettes clichés. La randonnée se poursuit sur du plat, il fait beau et on prend notre temps. Sur la fin de la boucle, Celim se fait harceler par un oiseau qui essaye de sa la jouer impressionnant en battant des ailes avec des cris stridents. C’est le début d’une longue histoire d’amour entre lui et les oiseaux de l’île (à suivre).
On retourne au camping, on prend une dernière douche avant de décoller et on refait les 14 kilomètres de la veille en sens inverse : le chemin est toujours aussi grandiose, j’avoue quitter la vallée avec un pincement au cœur mais ce qui nous attend risque d’être tout aussi intense … Direction donc le parc national de Skaftafell, situé au sud du Vatnajökull, le plus grand glacier d’Islande (et d’Europe !). Petit coup de pompe dans la voiture, Celim prend le relais. Autant dire que je ne vois rien du trajet mais l’appel de la sieste a été le plus fort.

La route 1, comme une évidence.
On arrive sur le parking à Skaftafell, et on se gare juste devant … la voiture de Pierre et Suzanne. Décidemment. On s’arrête quelques minutes au centre info, pause pipi et check des différentes randonnées possibles. On arrête notre choix sur une boucle « facile » de 7,4 km, environ 2 heures et demie de marche. On fait un crochet par Svartifoss, cascade étonnante entourée de basalte qui lui donne des allures d’orgue un peu sévère. Svartifoss signifie « cascade noire » en islandais, et c’est vrai qu’elle a des airs de décor d’un clip de black metal – il ne manque que l’église en feu pour que le panorama soit complet.

Svartifoss, qui gagne le trophée de « cascade gothique ».
On y re-croise nos copains avec qui on continue la route. La randonnée poursuit sa trajectoire dans les hauteurs de la cascade, il faut grimper un peu mais c’est vraiment tout doux. On arrive sur un plateau de roches et de hautes herbes, on ne voit pas grand-chose à l’horizon, et on avance ainsi pendant environ 30 minutes. Bon … C’est sympa mais après la rando du matin, il nous en faut un peu plus pour nous impressionner.
Et là, sur une pointe caillouteuse, en contrebas, on voit qu’il se trame quelque chose. Quelques mètres de plus et on arrive à une vue plongeante, incroyable, sur la langue glaciaire du Skaftafelljökull . Ici la glace striée de noir, en fondant, forme un lac qui se sépare en plusieurs petites rivières, direction la mer. La vue est à couper le souffle, d’ailleurs personne n’ose parler ; on chuchote, on marche sur la pointe de pieds, on ne voudrait pas réveiller ce géant de glace endormi, embrassant avec douceur cette étendue d’eau si paisible. On reste un long moment ici, on n’ose plus bouger. On s’aventure tout de même sur une autre pointe un peu plus éloignée, qui surplombe réellement la vallée. C’est vertigineux mais la vue au bout vaut vraiment le « petit » trajet, on se sent seul.e au monde et c’est assez unique comme sensation.

Pas un bruit devant cette immobilité.
Il est temps de repartir et de finir la boucle, tout en descente vers le centre info. On voit qu’il existe un petit chemin pour se rendre au glacier depuis le bas, on hésite, on piétine, est-ce qu’on a encore envie de marcher après cette grosse journée ? Après, c’est 2 kilomètres, on est plus à ça près. 2 kilomètres aller, oui. On ne le sait pas encore, mais on est en fait repartis pour 4 kilomètres de marche. Tant pis, personnellement je n’ai jamais vu un glacier d’aussi près et encore une fois, la vue en vaut le détour. Les icebergs sont massifs, noirs, bruns, blancs. Ça et là, quelques éclairs d’un bleu limpide, discrets. Ça ne bouge pas, ni frisson, ni aucune onde. C’est impassible, immuable.
Il est l’heure de trouver un camping, on a prévu de s’installer à Svinafell (on a vu le camping de Skaftafell qui ne nous donne pas spécialement envie d’y dormir), quelques kilomètres plus loin. L’endroit est joli, au calme, entouré de moutons laineux. Instant « blogueuse » pour Celim qui prend la tente sous toutes ses coutures ; je lui fais la remarque, ça fait rire un couple à côté de nous. La salle commune est particulièrement sympa, munie de grandes tables assez larges pour déplier la carte et commencer à planifier la journée du lendemain. Extinction des feux relativement rapide ce soir-là, les 23 kilomètres de marche du jour auront eu raison de notre énergie.