Le jour où on a été à deux doigts de la crise de nerfs.
On décide aujourd’hui de faire le tour de la péninsule de Snæfellsnes, qui avec ses paysages sauvages (pâturages, chaîne volcanique) a été à l’origine de nombreux mythes : des personnages légendaires y auraient établi leur royaume. Situé à l’extrémité occidentale de l’île, le Snæfellssjökull, ce stratovolcan surmonté d’une calotte glaciaire (rien que ça) serait par ailleurs le point de départ du célèbre Voyage au centre de la Terre de Jules Vernes – il paraît par ailleurs que le bougre n’y a jamais mis les pieds.
Aujourd’hui notre copain Victor est de passage à Reykjavik (passage forcé à cause d’une bourde de sa compagnie aérienne), donc on change un peu nos plans et on décide de débarquer en ville dans la soirée.
On a pas de programme précis en tête, si ce n’est trouver le point info le plus proche pour se renseigner sur les randonnées disponibles. C’est chose faite après un passage à Helissandur au pied du volcan, qui offre des airs de ballade des anglais avec ses retraités marchant calmement au bord de l’eau (avec le recul, on aurait du la faire cette ballade des anglais). Mais déterminés que nous sommes, nous choisissons la difficulté. Une boucle de 2-3 heures autour d’un sommet dont on a pas bien compris le nom ni saisi toutes les informations pour y parvenir. On gare le 4×4 au pied du mignon cratère Saxhöll : il y a 109 marches à gravir, on se les garde pour le retour. J’éteins le contact, je ne vérifie pas l’état des phares et on sort de la voiture.
Tu la sens venir la bourde ?
On attaque notre rando qui mène on-ne-sait-toujours-pas-où-ni-comment, le ciel s’assombrit, on aurait du le prendre comme un signe divin. Le sommet est devant nos yeux, il ne paraît pas si loin, mais après 20 minutes de marche dans des herbes hautes, c’est comme si on n’avait toujours pas avancé. Le sommet semble toujours à la même distance. Soit. On continue à avancer, l’herbe devient mousse et sous la mousse, des pierres rondes sur lesquelles on manque de se briser la cheville à chaque pas. Ah, ça grimpe un peu, donc on doit être sur la bonne voie. Mais le sommet ne se rapproche pas pour autant. Et surtout … au bout de 30 minutes de marche, impossible de trouver la moindre balise. Alors bon, on est pas bêtes, on voit bien qu’il est sous notre nez, donc on avance tant bien que mal, on longe un premier névé, la mousse disparaît petit à petit pour laisser place aux cailloux, il commence à pleuvoir doucement, on a toujours pas le sentiment d’avoir avancé et là, le drame. Dispute. Un truc dramatique, Celim a dû me contredire, quelque chose d’insurmontable. Je lui dit de continuer sans moi, de toute façon c’est voué à l’échec, on n’aurait jamais dû venir ici, d’ailleurs on aurait jamais dû venir en Islande tout court, il vaut mieux qu’on arrête tout. Celim avance, je reste en retrait. Je m’assois sur une pierre, je boude.
(J-12 pour la première dispute, franchement c’est pas de l’exploit?)
Je mange une barre de céréales et une banane, il me faut au moins ça pour aller mieux. Ça durera 5 bonnes minutes pendant lesquelles je resterait renfrognée et Celim viendra finalement me rejoindre et régler ça en deux minutes chrono avec une petite blague et un bisou. C’est à ce moment qu’on décide de déposer les armes et tourner les talons. On doit être à mi-chemin mais on n’aperçoit aucun itinéraire, on se sent coupables de marcher hors-sentier et on n’a aucune idée du temps de marche qu’il nous reste à faire. Alors on redescends penauds, avec cette impression d’inachevé. On se raconte nos souvenirs d’école pour se changer les idées.

La rando de l’échec
Arrivés en bas, on jette un dernier coup d’oeil à notre « rando » : ciao les cimes, ça avait l’air beau mais très peu pour nous dans ces conditions. Histoire de ne pas finir sur une déception, petite montée de Saxhöll avec sa vue à 360° sur la péninsule. On redescend avec hâte au 4×4, la perspective de boire une bière avec Victor à Reykjavik étant plutôt euphorisante – 12 jours à ne parler qu’avec la même personne, je ne sais pas si tu imagines mais ça peut relever de l’exploit ! On monte dans le 4×4, je mets le contact … la voiture ne démarre pas. Bien bien bien. Ah oui, les phares.
Après quelques minutes à arpenter le parking et aborder les touristes dans un anglais approximatif (non mais en vrai, est-ce que tout le monde sait comment on dit des « pinces pour démarrer la voiture » en anglais?), on se décide à appeler l’agence de location. Après une conversation acharnée pour se faire comprendre, ils finissent par nous envoyer un mec qui arrive au bout d’une vingtaine de minutes et règle le problème en 12 secondes chrono – « oui oui, la facture sera envoyée à Blue Car Rental, pas de souci, vous ne réglez rien. »*
La voiture redémarre, nous voilà partis pour Reykjavik, la mousse aux lèvres et les bras grands ouverts à l’idée de voir Victor en pleine galère islandaise. On finit donc le tour de la péninsule en voiture, on longe le bord du Snaeffelsnes coiffé de son petit chapeau de neige et en deux heures de route on arrive à la capitale. On se gare facilement et on rejoint Victor accompagné d’un irlandais qui visiblement n’en est pas à sa première pinte. On ne restera pas des plombes dans les bars vu le prix de la bière (juste le temps qu’il faudra pour qu’un jeune islandais déclare sa flamme à Celim), et on fera quelques tours de pâtés de maison pour trouver de quoi se ravitailler. On se rabattra sur l’Icelandic Street Food qui sert des soupes dans des grandes miches de pain. On a envie de manger local donc on se tourne (presque) naturellement vers la soupe d’agneau mais elle a un goût amer quand on revoit ces nombreuses boules de laine aperçues en liberté tout au long de notre trajet. On fait donc semblant de ne pas y penser. A la fin du repas, le restau se vide et la serveuse fait le tour des tables en nous proposant des bons pour des bières gratuites dans le bar à côté. Ça nous paraît trop beau pour être vrai, mais on a prévu d’être encore à Reykjavik le lendemain, on se dit qu’on tentera notre chance en fin de journée !
Victor a une chambre d’hotel payée par sa compagnie à Keflavik et nous propose de dormir là-bas avec lui. On hésite longuement (« et si ça marche pas ? ») mais l’idée de dormir dans un vrai lit avec de vrais draps prend assez vite le dessus. On repart donc avec lui, on passe la réception sans heurts et on se pose dans la chambre en savourant la chance qu’on a de se retrouver dans ce plan inespéré. Même si on partage un lit une place avec Celim, même si Victor passe la nuit à ronfler, je pense pouvoir affirmer sans trop d’hésitation que c’est la meilleure nuit qu’on passe depuis 12 jours. Notre compagnon de route se lève à 4h du matin pour prendre son avion, et nous on profite sans scrupules de la grasse matinée le lendemain matin.
*au moment de rendre le 4×4, la facture nous sera finalement débitée avec le total mais après quelques échanges de mails d’une politesse surprenante des deux côtés, l’agence nous remboursera finalement les frais ayant fait une erreur de jugement lors de l’envoi du mécanicien – pour la faire courte. Big up à Blue Car Rental pour ce SAV franchement appréciable.